Voyage à la source: l’Éthiopie, berceau du café
P R O F I L D U P A Y S
Capitale: Addis-Abeba
Superficie: 1 127 127 km2
Population: 105 millions
Langue officielle: Amharique, Oromo, Somali
Notre équipe d’achat à la source a récemment eu la chance de se rendre en Éthiopie pour la première fois!
Parmi les pays producteurs, l’Éthiopie détient une place très spéciale dans le cœur des fervents de café de spécialité; d’abord parce qu’il est le berceau du café arabica, mais aussi grâce à la grande diversité des profils de saveurs de ses cafés. Souvent plus près de thés floraux ou de jus de fruits, les cafés éthiopiens sont assez éloignés du goût que plusieurs associent au café et ils éveillent systématiquement la curiosité des consommateurs.
C’est depuis ses débuts, en 2011, que Saint-Henri se procure des cafés provenant d’Éthiopie à chaque récolte annuelle. Dû au système de contrôle étatique rendant la traçabilité difficile, nous n’avions acheté jusqu’à maintenant que des lots provenant de 2 unions de coopératives, soit la Sidama Coffee Farmers Cooperative Union (SCFCU) et la Yirgacheffe Coffee Farmers Cooperative Union (YCFCU).
Comme l’état interdisait auparavant aux producteurs d’exporter eux-mêmes leurs cafés, ceux qui n’étaient pas membres d’une coopérative ainsi que les propriétaires des stations de lavage se voyaient obligés de vendre leur production à travers une plateforme centrale, le Ethiopian Commodity Exchange (ECX). Le rôle du ECX était de faciliter le transfert de possession des producteurs aux exportateurs et d’offrir une gradation de la qualité des cafés. En revanche, la traçabilité était quasi nulle, puisque les lots étaient classés par régions générales et gradés par qualité de 1 à 5. Cela avait comme répercussion de ne pas récompenser à sa juste valeur le travail d’un fermier (ou d’une station de lavage) qui aurait exceptionnellement bien travaillé, puisque son lot se retrouvait mélangé aux autres.
C’est en mars 2017 que le gouvernement éthiopien a entrepris de réformer le système d’exportation afin d’ouvrir le marché et de permettre à des exportateurs et des fermes de grande taille (estates) d’exporter eux-mêmes leur café, à une seule condition: le prix de vente doit toujours être supérieur à celui qui aurait été fixé par le ECX pour une qualité de café comparable. La réforme étant nouvelle, déjà 10% des cafés ont été achetés « directement » à un exportateur en 2018. Plusieurs fermes sont présentement en processus de demandes de licences d’exportation et ont commencé à se détacher des stations de lavage en séchant leurs cafés directement sur leurs fermes.
C’est l’un de ces lots que nous avons obtenus en 2018-2019. Le Guji Uraga Samii Lot #1 est un café qui nous a été présenté par Nordic Approach, un pionnier norvégien de l’achat de grains verts de très haute qualité. Ce lot, issu d’une relation de longue date entre Morten (propriétaire de Nordic Approach) et Israël Degfa (propriétaire de la station qui traite ce café) est certainement l’un de nos favoris sur le menu cette année.
C’est en raison de ces politiques d’exportation que, jusqu’à maintenant, notre équipe d’achat ne s’était jamais rendue en Éthiopie, le berceau mondial du café. Or, en janvier, Nordic Approach organisait pour la toute première fois, un voyage destiné aux acheteurs de café intitulé: Origin Approach Ethiopia, adventure edition.
Avec les changements récemment apportés par la réforme (et notre coup de foudre pour le Uraga Samii #1), nous avons convenu que c’était le moment idéal pour enfin entreprendre un voyage à la source afin de mieux connaître ce pays mythique. Unis par une même passion pour le café de spécialité, nous avons rapidement formé des liens avec les autres participants du voyage, issus de torréfacteurs et de cafés provenant des quatre coins du globe (Pologne, Écosse, Allemagne, États-Unis, Chine, Japon, Hollande).
La première journée, passée à la capitale Addis-Abeba, fut essentielle et hautement formatrice. Des exportateurs, des propriétaires de fermes, des spécialistes du changement climatique, des spécialistes de l’environnement, des propriétaires d’usine de lavage et de séchage du café et un haut placé au Ethiopian Commodity Exchange se sont rassemblés pour nous dresser un portrait complet et détaillé de l’histoire et de l’industrie du café en Éthiopie. Nous avons particulièrement aimé la présentation de Technoserve, une ONG qui travaille à encourager le développement durable, améliorer la qualité de l’eau en zones rurales et accroître la profitabilité des petits producteurs.
Le lendemain, nous avons entamé notre périple vers les zones de Sidama et de Guji (environ 10 heures de route au sud d’Addis-Abeba). Pendant trois jours, nous avons visité des stations de lavage (Hunkute, Ana Sora, Adola), de triage, d’ensachage, et, naturellement, des fermes de cafés. La grande majorité des caféiculteurs ont de petits jardins à café derrière leur maison. La moyenne est d’environ 0.6 hectare, produisant environ 600 kilos par hectare. En comparaison, une ferme qualifiée de « Estate » possède plus de 30 hectares et une production deux fois supérieure (1000 à 1200 kilos par hectare). La part de marché de café exportable produit par des “estate” est toutefois marginale: environ 5%. La très grande majorité du café est donc produite par des petits producteurs.
Lors de notre séjour dans la zone de Guji, nous avons pu camper directement au coeur de la station de lavage Adola pour quelques nuits. Nous avions grandement sous-estimé la température! Située à 2000 mètres d’altitude, le mercure baisse régulièrement jusque sous la barre des 5 degrés Celsius la nuit pour remonter à près de 25 degrés Celsius au courant de la journée. Nous avons aussi eu la chance de participer à une fête dansante avec la population locale (les Oromos), ainsi que d’assister à plusieurs cérémonies traditionnelles du service du café.
Enfin, tout le voyage a été parsemé de nombreuses dégustations (cupping) qui nous ont confirmé l’énorme diversité des profils de saveurs des régions productrices de l’Éthiopie. Nous revenons, d’ailleurs, les valises pleines d’échantillons: chuuut! 🤫 Ne le dites pas aux douaniers!
Nous avons très hâte de sélectionner nos prochains micro-lots de café éthiopien et, surtout, nous sommes heureux de pouvoir à la fois profiter et contribuer aux récents efforts de traçabilité mis en place par le gouvernement. Nous avons maintenant l’opportunité d’en connaître plus sur les gens qui produisent nos cafés et de leur offrir des premiums de qualité. C’est aussi une ouverture vers de partenariats potentiels avec de plus petits groupes de producteurs ou même avec des fermes individuelles.
Note.: malgré ces changements, les Coopératives sont toujours pertinentes: elles aussi permettent des premiums à leurs membres, basés entre autres sur des certifications (ex.: biologique, Rainforest Alliance).
*Photos de voyage par: J.F Leduc